Lectures de février
Lectures de février
Pour celles et ceux qui veulent profiter du week-end pour flâner du côté des libraires de bandes dessinées, les dernières parutions incontournables :
La chambre de Lautréamont
© Corcal / Edith / Futuropolis |
Titre : La chambre de Lautréamont Scénariste : Corcal Dessinateur : Edith Editeur : Futuropolis Date d'édition : 5 janvier 2012 |
PITCH DE L'EDITEUR Préférant par paresse et facilité, être un pisse-copie plutôt qu’un poète sans le sou, Auguste Bretagne est feuilletoniste à la « Gazette de Paris ». Ce manque d’ambition littéraire provoque la risée des membres du Cercle des poètes zutiste (Rimbaud, Verlaine, les frères Cros…) [..]. C’est d’ailleurs à l’une des réunions du cercle, qu’Auguste a rencontré Émily, une jeune et très jolie poétesse, dont il est follement amoureux. Autant Émily adore les soirées déjantées et excentriques des zutistes [...] autant elle ne supporte pas en revanche le capharnaüm morbide [...] qui règne dans la chambre en location où Auguste vit.
Et pourtant, c’est un endroit d’exception, un lieu extraordinaire : Isidore Ducasse, comte de Lautréamont y vécut et y mourut à l’âge de 24 ans. « Chaque atome de cette pièce est imprégné de sa présence ». Une nuit, après avoir pris du peyotl, Bretagne et Rimbaud finissent au petit matin dans cette chambre, s’effondrant sur le lit. Est-ce dû à une hallucination ? Toujours est-il que Rimbaud entend jouer du piano et la voix de Lautréamont déclamer des vers à propos de sa verge. Ce serait donc le fantôme du comte de Lautréamont ? Auguste Bretagne n'est pas au bout de ses découvertes...
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Un cercle de poètes maudits… … Un énergumène intrigant nommé Rimbaud… ... « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » … …quelques grammes de peyotl… …une chambre morbide et mystérieuse rue du Faubourg Montmartre, hantée par le fantôme du comte de Lautréamont……. … un trou béant qui donne directement sur l’enfer…. …un paléophone qui fait revivre des voix sulfureuses venues d’outre-tombe… …un septième Chant de Maldoror qui renaît des flammes démoniaques…
Quels fabuleux ingrédients pour une intrigue mi- policière, mi- fantastique qui convoque le tout Paris littéraire de l’époque autour du mystère de la mort d’Isidore Ducasse (alias le comte de Lautréamont, auteur des Chants de Maldoror). Ce petit bijou serait la première œuvre de « figuration poético-narrative », ancêtre supposé de la bande dessinée. |
© Corcal / Edith / Futuropolis
Une belle fiction doucement hallucinogène qui se nourrit des meilleurs morceaux du Paris artistique du XIXe pour rendre hommage à la puissance bouillonnante de l’imagination dans la littérature.
Le tout mis en scène par Edith qui nous plonge case après case, avec une infinie délectation, dans des atmosphères mystiques et fantastiques.
L’occasion de relire (et quelle belle surprise !) quelques vers de Lautréamont ou de Rimbaud, de plonger dans des artificiels paradis à la lumière blafarde des réverbères, des cafés tapageurs et des mansardes morbides. De s’acharner à déchiffrer les partitions d’un piano un poil trop bavard (peu de succès de mon côté.. ceux qui ont reconnu les morceaux, n’hésitez pas à me venir en aide !)
Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison ; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre. Les chants de Maldoror - Lautréamont |
© Corcal / Edith / Futuropolis
Les derniers jours de Stefan Zweig
© Laurent Seksik / Guillaume Sorel / Casterma |
Titre : Les derniers jours de Stefan Zweig Scénariste : Laurent Seksik Dessinateur : Guillaume Sorel Editeur : Casterman Date d'édition : 22 février 2012 |
PITCH DE L'EDITEUR Le 22 février 1942, exilé à Petropolis au Brésil, l’écrivain autrichien Stefan Zweig se suicide avec son épouse, Lotte. Le désespoir a eu raison du grand humaniste, acteur essentiel de la littérature européenne et témoin majeur de la première partie du XXe siècle. En 2010, conjuguant réel et fiction, le roman de Laurent Seksik revisitait les six derniers mois de la vie du couple, entre nostalgie des fastes de Vienne et appel des ténèbres. Passés successivement par l’Angleterre et les États-Unis après avoir fui l’Autriche, Stefan et Lotte avaient cru fouler au Brésil une terre porteuse d’avenir. Mais c’était sans compter avec l’épouvante de la guerre. |
Laurent Seksik adapte en bande dessinée son roman éponyme, paru chez Flammarion en 2010.
Fuyant la guerre et le nazisme, l’Autriche, l’Angleterre et les Etats-Unis, l’écrivain Stefan Zweig s’exile, avec sa seconde épouse, au Brésil. L’oeuvre de Laurent Seksik et de Guillaume Sorel raconte les derniers mois de la vie de l’écrivain autrichien et de sa seconde femme, entre Petrópolis et Rio de Janeiro.
Le couple avait cru trouver au Brésil une terre fertile d'avenir. Hélas, trois fois hélas… le couple glisse inexorablement dans un cauchemar sans fin ; et, la légèreté des carnavals et l’exubérance de la végétation brésilienne ne seront pas l’étoffe d’un nouvel Eden. Alors que ses œuvres brûlent en Europe, Stefan Zweig s’acharne à poursuivre son travail de l’autre côté de l’Atlantique : Le Joueur d’échecs, Le Monde d’hier, etc. |
© Laurent Seksik / Guillaume Sorel / Casterman
Il fête ses soixante ans dans la tristesse de l’exil, loin de ses amis, de sa patrie et des honneurs. La guerre qui s’enlise, la vieillesse qui l’accable, l’espoir, vaincu, disparaît et le suicide devient l’unique terre d’exil. C’est d’un gai, je ne vous raconte pas !
« A Londres nous étions vus comme des ennemis. “Enemy aliens”. Des étrangers indésirables. Juif en Allemagne. Allemand en Angleterre. Etranger partout. J’en ai assez d’être l’ennemi du genre humain. »
Les aquarelles de Guillaume Sorei sont extrêmement élégantes. Celles de Rio ramènent inéluctablement à un paradis perdu écrasé dans les vagues de Copacabana. Les plus belles planches sont les dernières, quasi-vierges de texte et dernières minutes de vie du couple. |
© Laurent Seksik / Guillaume Sorel / Casterman
Bekame
© Jeff Fourquié / Aurélien Ducoudray / Futuropolis |
Titre : Békame Scénariste : Adrien Ducoudray Dessinateur : Jeff Fourquié Editeur : Futuropolis Date d'édition : 9 février 2012 |
PITCH DE L'EDITEUR Bilel est un jeune adolescent, qui se fait appeler Békame [...]. Il est arrivé clandestinement en France, pour tenter de retrouver son frère Ahmed, qui y réside depuis deux ans. Ils ont le projet de partir en Angleterre, tous les deux. Pour le moment, entassés dans un hangar et dépouillés de leurs papiers, les clandestins sont à la merci des passeurs. Errant dans la ville, il fait la rencontre de Victor, un jeune punk débrouillard, qui lui apprend quelques combines et lui fait passer une nuit dans un squat où traînent de nombreux SDF. Le lendemain, semant ses vignettes Panini au gré du hasard, comme pour envoyer un message à son frère, il est attiré par des gamins disputant un match de foot. Leur entraîneur, M. Assane, lui-même issu d’une famille immigrée, accepte de le prendre chez lui et de l’aider à retrouver son frère. Bilel y parvient enfin, au détour d’une rue, mais la rencontre est brutale car Ahmed (alias « Patrick ») travaille avec les passeurs… Des ateliers clandestins aux campements sauvages d’immigrés, en passant par le trafic d’humains, Bilel découvre les conditions impitoyables de ces gens qui ont quitté la misère de leur pays pour en trouver une nouvelle, dans une société déshumanisée et bien sombre.
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Premier tome d’un diptyque sur le sort des migrants clandestins réalisé par Aurélien Ducoudray et Jeff Fourquié aux Editions Futuropolis.
Bilel, petit frère d’origine arabe, plutôt malin, plutôt naïf et plein d’espoir débarque à Sangatte et nourrit l’espérance folle de retrouver son frère aîné, Ahmed, qui l’a précédé deux ans plus tôt.
Son errance le trimballe de rencontres en rencontres : les misérables, Victor et son chien Hugo ; la main protectrice, Assane … et le mène vers d’amères retrouvailles avec son frère. De misères en misères, le récit montre le désenchantement de Bilel et raconte la maltraitance impitoyable des passeurs, l’univers peu réjouissant des squatts, la réalité des campements sauvages… sans jamais sombrer dans le pathos ou la caricature.
La fiction s’appuie sur le travail d’Aurélien Ducoudray lorsqu’il était journaliste à Limoges, entre 2000 et 2004.
Le coup de crayon de Jeff Fourquié est noir et mordant et encre habilement les blessures, espoirs et désillusions des personnages du récit. La mise en couleur est sombre et froide. Seuls les rêves de gosse de Bilel apportent ça et là des touches rouge vif et chatoyantes aux tonalités glaciales du récit.
Petite bande-annonce :
La suite est prévue début 2013… il faut donc s’armer de patience pour dénouer les possibles influences entre les deux frères. Même si les dernières pages du premier tome laissent présager une volonté d’émancipation et des espoirs sages broyés par les réalités de la clandestinité. |
© Jeff Fourquié / Aurélien Ducoudray / Futuropolis
Pierre Goldman, La vie d’un Autre
© Emmanuel Moynot / Futuropolis |
Titre : Pierre Goldman, La vie d'un autre Scénariste : Emmanuel Moynot Dessinateur : Emmanuel Moynot Editeur : Futuropolis Date d'édition : 9 février 2012 |
PITCH DE L'EDITEUR En décembre 1969, deux pharmaciennes sont tuées et un policier blessé, lors d’une tentative de hold-up boulevard Richard-Lenoir, à Paris. Quatre mois plus tard, la police arrête Goldman, un coupable idéal, au vu des braquages qu’il a déjà commis et de son activisme révolutionnaire. Condamné à la réclusion perpétuelle en 1974, il est finalement acquitté en 76, après un second procès en cassation mené par maître Kiejman. Son comité de soutien d’alors, centralisé par Libération, est constitué entre autres de Mendès-France, Françoise Sagan…
Au cours des six années passées à la prison de Fresnes, il passe deux maîtrises, l’une en espagnol, l’autre en philosophie, il apprend à se connaître en écrivant un livre (Seuil, 1975) et, paradoxalement, découvre la paix intérieure. Le 20 septembre 1979, en plein Paris, vers midi, Pierre Goldman est tué, il a 34 ans. Dans la demi-heure qui suit, un obscur groupuscule d’extrême droite, signant « Honneur de la police », revendique l’assassinat.. |
Décembre 1969 : Lors d’une tentative de hold-up dans une pharmacie boulevard Richard-Lenoir, à Paris, deux pharmaciennes sont tuées.
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Avril 1970 : Pierre Goldman, juif polonais, au passé un brin douteux, coupable idéal, est arrêté
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1976 : Pierre Goldman est acquitté après avoir été condamné à la réclusion perpétuelle deux ans plus tôt.
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Septembre 1979 : Pierre Goldman est tué. Un groupuscule d’extrême droite, Honneur de la Police, revendique l’assassinat.
Emmanuel Moynot réalise dans cet ouvrage une enquête minutieusement documentée et passionnante sur la vie de Pierre Goldman et dénoue les multiples vies de son personnage : son passé de militant d’extrême gauche, ses frasques de braqueur, son travail d’écrivain, ses activités de guérillero révolutionnaire au Vénézuela , etc.
Se succèdent dans ce livre-enquête le récit historique et l’impressionnant travail documentaire réalisé par l’auteur : archives, entretiens avec des témoins clés, … On ne peut que saluer le travail d’Emmanuel Moynot qui fait de cette enquête un récit certes sobre mais réellement captivant. |
© Jeff Fourquié / Aurélien Ducoudray / Futuropolis
Découvrez l’entretien réalisé par l’éditeur :
Interview d'Emmanuel Moynot pour la sortie de... par Futuropolis
Bref… Février fut une série de lectures aussi légères que pétillantes.
J’essaierai de ne pas sombrer dans le tragique en mars.