Interview de Jean-Charles Poupard

 

 

Interview de Jean-Charles Poupard

Dessinateur de la nouvelle série Jack l'éventreur chez Soleil


 

Jean-Charles Poupard est un dessinateur et illustrateur, né le 8 décembre 1985. 
En 2007, il obtient sa licence d'Arts Plastiques à l'Université de Rennes, avant de rentrer, un an plus tard, à l'école des Arts supérieurs de Pivaut à Nantes. Il y fait la connaissance de Timothée Montaigne, qui eu une importance notable sur son orientation graphique et narrative en Bande dessinée. En avril 2010, alors qu'il lui restait encore un an à faire pour décrocher son diplôme, Jean-Charles est recommandé par Laurent Miny (illustrateur et enseignant à l'école Pivaut) auprès de Jean-Luc Istin, directeur de collection aux éditions Soleil. Trois mois plus tard, il signe son premier album Jack l'éventreur, sur un scénario de François Debois. L'album sort le 16 mai 2012, alors qu'il travaille déjà depuis plusieurs mois au dessin, à la couleur et co-scénarise le deuxième tome de ce diptyque sur Jack l'éventreur.

Biograpie réalisée par Soleil

 

 

© François Debois / Jean-Charles Poupard / Soleil

Titre : Jack l'éventreur Tome 1

Les liens de sang

Scénariste : François Debois

Dessinateur : Jean-Charles Poupard

Editeur : Soleil

Date d'édition : Mai 2012

 

PITCH DE L'EDITEUR

Nous avons tous en nous une part de folie qui ne demande qu'à être libérée.

Londres 1888.

Le Mal s’abat sur la capitale européenne, un monstre sanguinaire tue et dépèce des prostituées dans les bas-fonds de Whitechapel, on le surnomme Jack l’Éventreur. À Scotland Yard, l’inspecteur Frederick Abberline et son équipe mènent l’enquête. Entre lettres anonymes, dénonciations calomnieuses, milices qui font la loi et le peu d’indices qu’il recueille au fil de ses virées nocturnes, le commissaire s’égare…
D’autant qu’il est secoué par les démons de son passé trouble. George Godley, son assistant, s’interroge sur son supérieur. D’inquiétantes coïncidences l’amènent à penser qu’Abberline est lié à tous ces meurtres…
Tous les deux sont-ils prêts à découvrir l’insoutenable vérité ?

 

 

Qu’est ce qui vous a amené à la bande dessinée ?

Il y a plusieurs choses qui m'ont amené à la bande-dessinée. Tout d'abord le plaisir d'en lire moi-même depuis que je suis enfant ; j'ai en effet grandi en lisant les vieux Astérix et Tintin de mon père, les Black et Mortimer, les Largo Winch et j'en passe... ce qui a fait que très tôt (vers l'âge de 8 ans) j'ai commencé à vouloir en faire de même, mettre mes propres histoires en cases, et depuis, je crois que je n'ai jamais vraiment arrêté ... Certains projets m'ont pris plusieurs années, je me souviens, et faisaient parfois une quarantaine de pages ! J'étais déjà motivé à l'époque! Je dessinais tout le temps, je passais des heures à mon bureau à dessiner, encore et encore, et je crois que l'on rejoint là la deuxième chose qui m'a amené à la bande dessinée, c'est ce plaisir et ce besoin quasi viscéral de m'exprimer par le dessin, de communiquer avec le monde au travers du dessin.


 

© Jean-Charles Poupard

Pourquoi Jack l’éventreur ?


Il faut savoir que lorsque François [François Debois, scénariste de Jack l'éventreur] m'a proposé le projet à l'origine, ça n'avait rien à voir avec ce que c'est devenu. Je ne peux pas dire de quoi il était question à la base, car peut-être a-t-il l'intention d'utiliser cette idée plus tard pour une nouvelle série, mais en tout cas j'ai rapidemment senti le potentiel original de ses idées, et je savais que nous n'allions pas nous retrouver à faire une nouvelle version de From Hell à la sauce fantastique. Et puis en temps que dessinateur, je savais que j'allais prendre mon pied sur un projet comme ça, c'est tout simplement génial : il y a des costumes superbes, des

décors splendides marqués par une ambiance forte... je ne pouvais pas dire non ! 

 

 

Les adaptations de Jack l’éventreur sont nombreuses, y compris dans la bande dessinée (From Hell, Peter Pan, Van Helsing vs Jack l’éventreur qui va sortir prochainement, etc.) : comment expliquez-vous cet engouement des auteurs et des lecteurs ?


Jack L'éventreur est un sujet qui suscitera de toute façon la curiosité encore pendant de nombreuses années je pense, par le simple fait que personne ne peut vraiment affirmer savoir qui était ce tueur. Certains disent William Gull, le médecin de la reine, d'autres diront que c'était le prince Albert Victor, et puis d'autres encore que c'était un barbier ou même un peintre de l'époque... c'est un sujet ouvert à tous les fantasmes et toutes les théories, jusqu'aux théories fantastiques... c'est dire !

 

 

Quelle est votre adaptation préférée ?

 

Je pense que c'est celle de Régis Loisel dans Peter Pan, car pour gérer deux niveaux de lectures si fins dans l'approche psychologique, je dis Bravo.

 

 

Comment avez-vous souhaité vous démarquer des autres adaptations ? Etait-ce un souci pour vous ou pour votre éditeur ?


Alors pour mon éditeur Soleil non, ils ne m'ont pas donné de directives particulières, et je pense que dès les premières pages, ils ont vu l'orientation que ça prenait graphiquement et ça leur a convenu. Par contre pour moi, oui, c'était un souci évident, d'autant plus que c'était mon premier album et que je voulais, comme tout ceux qui commencent, me faire remarquer, et donc trouver des trucs pour me démarquer. J'ai beaucoup misé sur l'ambiance et les décors, j'ai voulu rendre un WhiteChapel pas forcément juste niveau historique, mais qui colle avec l'image qui plane dans notre inconscient collectif. J'ai eu cette volonté également de casser un peu le côté "so-british", qui m'aurait lassé à la longue, en insérant certains éléments plus américains, que j'ai été chercher dans les films de genre comme Et pour quelques dollars de plus ou Gangs Of New-York ; et je pense d'ailleurs que c'est cela qui m'a permis de rendre ce côté sale et crasseux, et de donner aussi un peu plus de charisme à mes personnages... enfin je crois.

 

 

C’est la première fois que vous travaillez avec François Debois : Comment vous êtes vous rencontrés ? Pourquoi avoir choisi de travailler ensemble ?


En fait c'est par le biais de mon directeur de collection, il souhaitait travailler avec moi et m'a donc proposé plusieurs scénarios, celui de François sur Jack l'éventreur a retenu mon attention et nous avons commencer à travailler ensemble. Cependant, il a fallu plus d'un an et demi avant que l'on ne se rencontre personnellement, les échanges se font par internet ou par telephone, ça facilite l'échange dirons-nous ! 

 

 

Comment s’est passée votre collaboration ? Le scénario était-il ficelé avant le passage au dessin ? L’énigme est-elle déjà résolue ? Comment vous êtes vous impliqué dans la construction du scénario ?


Alors, tout le scénario était écrit dans les grosses lignes jusqu'à la fin du tome 2, même s'il restait beaucoup de choses à travailler sur ce dernier, mais en tout cas le découpage était fait, ce qui nous a permis de savoir doser les scènes, le rythme du récit, savoir à quels passages il fallait se retenir pour en mettre plein les yeux derrière, savoir également gérer mes images et me réserver en fonction de celles qui allaient venir et qui avaient plus d'importance, etc. Ce qu'il restait parfois à peaufiner, c'était le texte, et aussi de temps en temps, certaines scènes qui bougeaient lorsqu'à la dernière minute on trouvait de meilleures idées pour la mise en scène. Sur le tome 1 je n'ai pas apporté grand chose au niveau du scénario, mais François s'est toujours montré très ouvert aux idées que je pouvais apporter.

 

 

© Jean-Charles Poupard

La mise en scène de la ville, des crimes et des personnages ont certainement exigé un travail préparatoire important : Comment avez-vous travaillé pour reconstituer avec précision le cadre et les faits historiques ?


Comme je le disais, les réalités qui parlent au plus grand nombre ne sont pas forcément justes d'un point de vue historique, mais sont celles qui résonnent dans l'inconscient collectif. Celui-ci est formé par la culture de l'image à laquelle nous sommes confrontés en permanence, et en grande partie par ce que véhicule le cinéma. Après, certains dessinateurs s'attardent à reconstituer avec précision les choses telles qu'elles 

étaient, c'est admirable, mais tout le monde n'a pas cette rigueur... en tout cas moi je ne l'ai pas, donc évidemment je vais faire des recherches, me documenter et récupèrer des photographies de l'époque, mais que je vais interprèter ensuite ; ce qui fait que le résultat final, même si un historien dira qu'il est faux, paraîtra cohérent grâce aux bases réelles sur lesquelles je l'ai créé et les références visuelles auxquelles je l'ai assimilé.  

 

 

Vous avez choisi de centrer la narration sur Frederick Abberline : Que sait-on au juste de l’inspecteur ? Qu’avez-vous ajouté aux faits historiques ? Pourrait-il être le coupable ?


Nous savons assez peu de choses sur lui, et à vrai dire, le Frederick Abberline que nous avons mis en scène est probablement très loin de ce qu'il devait être en  réalité. L'histoire telle que François l'a écrite impliquait obligatoirement une interprétation de ce personnage vu que nous lui avons créé un passé, un traumatisme sur lequel repose une grosse partie du scénario. Abberline devait avant tout être fidèle et cohérent à cela. 

 

 

Vous semblez avoir fait le choix de conserver une approche historique, d’écarter le fantastique (contrairement à d’autres adaptations) et d’approfondir plusieurs aspects : la psychologie du personnage principal, le contexte politique et social : ce sera toujours le cas dans les prochains tomes ? quelle piste sera la clé de l’énigme ? Quel angle allez-vous privilégier ?


Oui, en effet, nous restons dans une approche relativement historique - dans la mesure où nous avons réutilisé une grande partie des protagonistes de cette affaire - et surtout plausible. Il était clair dès le départ que nous ne voulions pas partir dans quelque chose de fantastique, et je pense que cette histoire a suffisamment de potentiel pour ne pas tomber dans la facilité, mais il en faut pour tout le monde, n'est-ce pas ?  Donc par la suite, nous gardons exactement la même intention, restons dans le même genre, et vous verrez que le deuxième tome complète l'histoire de manière significative, mais je ne peux pas vous en dire plus !

 

 

Comment avez-vous travaillé sur le dessin ? François Debois s’est-il largement impliqué dans la mise en scène et le dessin ?


François m'a toujours laissé entièrement libre sur la mise en scène et le dessin, tant que l'histoire suivait son cours... Les doubles pages sont des idées venant de ma part, elles n'étaient pas prévues dans le script, mais dans la mesure où elles sont justifiées, elles ont leur place. Pour ce qui est de la technique, je pense qu'elle s'approche de celle de tout dessinateur, c'est à dire qu'à la lecture du scénario découpé page par page et case par case, je cherche mes cadrages, mes plans, les intentions et émotions que je dois dégager, il s'agit là de la phase la plus importante dans la bande dessinée, c'est celle qui fera que la page est dynamique, agréabble à lire et compréhensible, que l'on voit ce qu'il y a à voir et que ce soit fluide. Une fois que le story board est donc fait, je passe au propre au crayon, puis j'encre au pinceau et à la plume à l'encre de chine. Une page me prend environ 4 ou 5 jours, mais cela dépend évidemment de la difficulté et de la quantité des cases que j'ai à faire.

 

 

Quelle est la planche dont vous êtes le plus fier ? 

 

La page dont je suis le plus fier... c'est une question difficile, un dessinateur n'est jamais vraiment content de lui, et si je le pouvais, j'en referrai beaucoup...


 

© François Debois / Jean-Charles Poupard / Soleil

Un indice sur le mobile du meurtre / le meurtrier ? (je peux rêver….)
 
Bien sûr, dans le deuxième tome Abberline va se rendre en Chine à la nage car il aura vaincu sa peur de l'eau grâce à un moine bouddhiste, mais là-bas la momie d'un empereur très méchant viendra de se réveiller et tuera des prostituées à tour de bras à coup de cuillère à soupe. Pour l'aider, George, qui aura entre temps dompter une autruche, viendra à son secours car il aura découvert un secret très très important qui risquerait de faire basculer l'Europe dans un monde peuplé de nains manchots. En plus, cerise sur la gâteau, Elizabeth en fait n'est pas morte, et reviendra pour se venger de son frère... vous n'allez pas être déçu !
 
  
Quels sont vos autres projets en cours ou à venir ?
 
Pour l'instant je suis sur le deuxième tome, j'ai d'ores et déjà eu plusieurs propositions pour la suite, mais rien n'est encore défini, tout reste à écrire...
 
Découvrez dans cet article une critique de ce premier tome très prometteur.

Propos recueillis par Ma. Isabel 
Un grand merci à Jean-Charles pour ces précieux indices et ses réponses !


07/06/2012
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