Viva la vida !

 


Viva la vida - Los sueños de Cd. Juarez

Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's


 

 

© Edmond Baudoin / Jean-Marc Troub's / L'Association

Titre : Viva la vida Los sueños de Ciudad Juarez

Scénariste : Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's

Dessinateur : Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's

Editeur : L'Association

Date d'édition : 24 aout 2011

 

PITCH DE L'EDITEUR

Ciudad Juarez, située au nord de l’Etat de Chihuahua au Mexique, connaît depuis deux décennies une criminalité qui l’a rendue tristement célèbre. Une longue série de meurtres et de disparitions de femmes a coloré la ville de manière à la faire classer comme une des plus dangereuses au monde. La façon la plus honnête d’aborder Juarez, pour Baudoin et Troubs, tous deux très familiers du carnet de voyage, était de partir d’une base simple: «  Faire le portrait de ceux qui voudront bien, et leur demander : “Quel est votre rêve ?”. Dire la vie dans cette ville où on meurt. » Le récit de ce périple à travers la violence évoque le pire comme le meilleur des relations humaines, à travers une collaboration inédite où les styles de Baudoin et de Troubs se complètent impeccablement.

 

Et je commence mon petit tour du monde en BD par…. le Mexique et le très bel ouvrage Viva la Vida, Los sueños de Ciudad Juarez édité par L’Association et réalisé par Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s, deux dessinateurs curieux et voyageurs.

Alors je sais … pour sortir de la morosité ambiante de ce début du mois de décembre, vous me rétorquerez ingratement qu’une BD noir et blanc qui, de surcroît, a pour sujet cette ville à la gloire déchue, plus célèbre pour ses cartels de drogue et sa triste frontière que pour son exotisme…. j’aurais pu trouver mieux.

 Et je vous répondrai, naturellement, que vous vous fourvoyez allègrement…. Cette BD est sans doute l’un de mes plus beaux coups de cœur de ces dernières semaines.  

 

Bien plus qu’un carnet de voyage en bulles, cette BD s’est tressée autour d’une idée originale et humaniste : raconter Cd. Juarez à travers les rêves de ses habitants. Les deux auteurs réalisent un quatre mains sublime : pendant des semaines,  E. Baudoin et JM Troub’s ont arpenté la ville et sont partis, tous les jours, à la chasse aux rêves demandant aux personnes croisées de leur raconter leurs rêves contre un portrait. Et, chaque matin, tous deux racontaient et dessinaient sur le vif et sur papier les croquis, émotions et témoignages de la veille, encore tremblants de leurs expériences.


Viva la vida Los sueños de Ciudad Juarez

Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub's

L'association - 2011

Au fil des pages, Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s nous font traverser tous les coins de la ville, nous entraînant, à travers les rues de Cd. Juarez, dans les bars, les cantinas, l’université, les collèges, et maquiladoras, nous faisant traverser la frontière pour une courte escapade à El Paso. On croise les visages, les regards et les rêves souvent simples mais toujours émouvants de Dora, Estrella, Marco, Florencia, Rosita, Maritza et tant d’autres.

Ils tissent une étoffe de rêves et de sourires sur fond de désolation, de quotidien fait de violence et de peur permanente.  Des fleurs du mal à la sauce mexicaine en quelque sorte.

Et « Viva la Vida » sonne alors comme une évidence incontournable malgré un quotidien terrible que les deux auteurs dessinent simplement au détour d’une rue ou d’un rêve sans sensationnalisme et sans leçon de morale.

 

A la première lecture…

J’ai dévoré cet étrange carnet de voyages, enivrée par l’alternance de portraits, de rêves, de scènes de rues et de bars sans distinguer le crayon de Jean-Marc Troub’s de celui d’Edmond Baudoin. Prenant en pleine face cette avalanche de rencontres et d’expériences :  

... Page 2 : je m’interroge sur la définition de la frontière...

... Pages 25 et suivantes : je souris en devinant les rues et les marchés de Mexico DF, Leon et Chihuahua...

... Page 33: mon ventre gargouille devant une cantina et des tacos...

...Page 38 : mon sourire et ma légèreté sont engloutis par l’arrivée des auteurs à Cd. Juarez et son lot de désolation. Et mon cœur se serre...

... Page 53 : les scènes de musique et de danse achèvent de me transporter dans cet ailleurs festif malgré tout...

... Quelques pages plus loin : j’arrive avec peine à contenir une larme brûlante qu’une modeste case chargée de non dit et d'émotions a provoquée (et pourtant…. je ne pleure jamais au cinéma !)...

... Page 61 : je suis frappée par le contraste entre Ciudad Juarez, ardente de tristesse et de fêtes et El Paso (juste de l’autre côté de la frontière) aux contours géométriques et propres, contraste si bien rendu par les dessins...

... Page 74 : dans une petite voiture, en route vers un site archéologique, calée entre Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s, je suis déconcertée par leurs pensées silencieuses...

... Page 78 : je suis hypnotisée par le regard de Florencia, son rêve me laisse songeuse. Le regard d’Eloïsa me fait chaud au cœur...

... Page 114 : Dans un bar rock de Cd. Juarez, je me demande enfin quel est mon rêve...

... Dernière page : je ne peux quitter des yeux le dernier dessin d’Edmond Baudoin et j’ai enfin trouvé mon rêve...

 

Voilà. Ce fût un beau, très beau voyage.

 


Et j’ai refermé une première fois Viva la Vida. Des rêves et des portraits plein la tête.

Puis je l’ai ouvert une seconde fois. Et c’était encore mieux. L’imagination du lecteur se laisse aller à poser ça et là des touches de couleurs chatoyantes, à imaginer au fil des cases la musiques des fêtes et des rires, les vacarmes aveuglants des maquiladoras et des aboiements de la frontière, les regards lourds de surprise des habitants de la ville. Car c’est bien là toute la beauté de cette BD extrêmement pudique, jusque dans le choix du noir et blanc : vous faire voyager et imaginer tout un monde lointain, aux contrastes violents et poétiques. A la deuxième lecture, on s'attarde à déchiffrer les infimes détails et les expressions des regards. On reconnaît les planches d'Edmond Baudoin ("la chèvre"), s'attardant sur les rencontres, les portraits et les regards et celles de Jean-Marc Troub's ("la tortue"), s'attardant sur les ambiances, les paysages, les situations. Et on perçoit les deux personnalités différentes qui expriment leur émotions et leurs représentations sur deux clés différentes d'une même partition.

 

 


 Viva la vida Los sueños de Ciudad Juarez - Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub's - L'association - 2011

 

Pour aller plus loin, vous pouvez visiter les blogs d’Edmond Baudoin ici et de Jean-Marc Troub’s et découvrir les réponses d’Edmond Baudoin à quelques questions que je lui ai posées, ici.



11/12/2011
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