Dix questions à Xavier Coste
Dix questions à Xavier Coste
Auteur de Egon Schiele - Vivre et mourir
Né en 1989 en Normandie, diplômé de la prestigieuse école Penninghen à Paris, Xavier Coste partage son temps entre la bande dessinée et la peinture. Egon Schiele est son premier album.
(Biographie réalisée par Casterman)
© Xavier Coste / Casterman |
Titre : Egon Schiele - Vivre et mourir Scénariste : Xavier Coste Dessinateur : Xavier Coste Editeur : Casterman Date d'édition : Mai 2012 |
PITCH DE L'EDITEUR Egon Schiele, 1890 – 1918.
Vingt huit années d’existence seulement, et une si grande influence sur l’art du XXe siècle… C’est ce destin d’exception que retrace la première bande dessinée de Xavier Coste – lui-même n’a que 22 ans lorsqu’il réalise cet album : la trajectoire tumultueuse et fascinante d’un météore de la peinture, tout en contrastes, en fulgurances, en excès.
L’ouvrage se concentre volontairement sur les dernières années de la vie du peintre autrichien. L’essor d’un talent, d’abord : son parrainage confraternel par Gustav Klimt, son appétit de conquête et de femmes, son goût de la provocation, ses premiers succès. Bientôt suivis par ses échecs : brièvement emprisonné pour pornographie, Schiele se range, s’embourgeoise… Le déclenchement de la Grande Guerre, puis la disparition de presque tous ses proches achèveront d’éteindre sa flamme, avant que la grippe espagnole ne l’emporte à son tour.
Un portrait biographique séduisant et personnel – et l’évidence d’un talent graphique à suivre.
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Comment s’est passée votre collaboration avec Casterman, votre éditeur ? Est-il intervenu dans la construction du scénario, les choix de contenu, les choix graphiques ?
La collaboration s’est très bien déroulée, il y a eu un gros suivi sur ce projet de la part de l’éditeur. Comme c’était mon premier livre, Casterman m’a demandé de faire le scénario ainsi que le découpage complet avant de signer. Au niveau du dessin et des choix graphiques, j’ai été entièrement libre, ils ne sont jamais intervenus. En revanche il y a eu beaucoup de retouches au niveau des textes, afin de toujours trouver le mot ou la phrase qui sonnent justes.
C'est votre premier album: pourquoi avoir choisi de travailler seul, sans scénariste ? J’ai hésité à me lancer seul dans l’aventure mais cette histoire et ce projet me tenaient tellement à cœur que je voulais assumer cette bande dessinée sur tous les fronts, dessin, scénario, et couleurs. Ce qui n’a pas été évident au-début, car j’ai mis du temps avant de trouver l’écriture que je souhaitais pour cette histoire.
Comment avez-vous travaillé pour reconstituer les faits historiques et rentrer dans la peau d’Egon Schiele, l’homme et l’artiste ? Étonnamment, j’ai rapidement découvert qu’il y avait peu de données sur la vie d’Egon Schiele. Et en plus de cela, elle est très peu connue et très peu exploitée. C’est ce qui m’a motivé pour faire cette bande dessinée. Je me suis rendu en Autriche pour voir ses œuvres de mes propres yeux, c’était très important pour moi, et aussi pour visiter les lieux qu’il a |
traversés.
Je garde un souvenir très ému de la prison où il a été enfermé. C’est un lieu très confidentiel, perdu dans la campagne, où il n’y a que trois ou quatre cellules. Un village désert. J’avais l’impression d’être dans un endroit secret, intimidant…
L’histoire que je raconte est vraie dans les grandes lignes, j’ai surtout romancé les relations entre les personnages, faute de documentation. Hormis les photos de ses compagnes, par exemple, nous ne connaissons quasiment rien d’Edith et de Wally. Je me suis permis quelques libertés dans la chronologie des événements secondaires, pour que l’histoire soit fluide, sans temps mort.
Vous semblez avoir voulu souligner le caractère décisif des quelques semaines passées en prison dans la vie du peintre. Pourquoi ? Que sait-on réellement de cette transition et de son impact sur sa vie et son œuvre ?
Cet épisode de la prison a changé la perception qu’Egon Schiele avait de lui-même. Il s’est ensuite représenté sous les traits d’un martyr, d’un persécuté. Il a ensuite perdu tout sentiment patriotique, ce qui explique qu’il ne voulait même pas défendre son pays durant la première guerre Mondiale.
© Xavier Coste / Casterman |
La relation entre Klimt et Schiele apparaît forte et ambiguë. Malgré l’admiration réciproque, les deux peintres semblent s’éloigner l’un de l’autre. Vous représentez un Egon Schiele en prison qui regrette que Klimt lui tourne le dos. Qu’en est-il réellement ? Comment le percevez-vous ?
Nous avons quelques données qui laissent croire que leur relation était effectivement ambiguë. Klimt a eu, je pense, un regard bienveillant, paternel, sur le jeune Egon. Mais ce dernier voyait cette relation par intérêt, il a avoué un jour avoir l’ambition de le dépasser. Ce qu’il finit par faire à la mort de Klimt, quand les galeristes parlent de lui comme de son remplaçant. En revanche, on ne sait pas si Klimt lui a ou non tourné le dos, mais plusieurs éléments laissent croire qu’il a fini par se détacher d’Egon Schiele.
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Vous avez fait le choix de réaliser vos dessins sur ordinateur. Pour quelles raisons ? Expliquez-moi vos choix graphiques…
Il s’agit avant tout d’un confort de travail. J’ai essayé de faire en sorte que le rendu ne sente pas l’informatique. L’ordinateur me permet de recadrer mes dessins, mes cases, de tester plein de choses. Ça ne me fait pas forcément gagner du temps mais comme je suis toujours insatisfait de mes pages, je peux les modifier très facilement. Ça me rassure.
Mon dessin sur cette bande dessinée est mon dessin naturel, assez anguleux par moments. Beaucoup de cases ont été réalisées sans crayonnés, ce qui donne parfois un côté spontané. En revanche, au niveau des couleurs j’ai fait un gros travail en m’inspirant des couleurs utilisées par les contemporains de Schiele. Je voulais des ambiances sombres, éteintes, avec des tons pastels.
Quels sont les aspects de la vie, de la personnalité et de l’œuvre d’Egon Schiele qui vous ont le plus marqué ?
Ce qui m’a surtout marqué était d’apprendre qu’il était mort si jeune. Je connaissais très bien la peinture d’Egon Schiele mais j’ignorais tout de son destin, de son procès. C’est par hasard que j’ai découvert une biographie sur sa vie, et j’ai tout de suite eu l’envie, le besoin même, d’en faire quelque chose. Je pense que son œuvre m’a toujours influencé.
Vous travaillez actuellement sur un nouveau projet de BD consacré à Arthur Rimbaud. Après un peintre maudit… un poète maudit… Ce trait de personnalité est-il ce qui vous a le plus poussé à travailler sur ces deux artistes ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce nouveau projet ?
Je suis fasciné par les personnalités complexes, fortes, les artistes qui sont capables de s’oublier, de faire table rase de leur vie pour leur œuvre. Rentrer dans la peau de ces deux personnages n’est pas évident, il m’a fallu du temps pour bien les cerner avant de pouvoir écrire le scénario, les dessiner…
Ma bande dessinée sur Arthur Rimbaud sera moins romancée, étant donné le nombre de biographies très fournies dont nous disposons. Pour moi, il ne s’agissait pas du même travail. En ce qui concerne l’univers graphique, j’essaierais de trouver une autre ambiance au niveau des couleurs, mais le dessin ne devrait pas être trop éloigné de mon travail sur Schiele.
Selon vous, qu’apporte la bande dessinée au travail de biographie par rapport aux autres supports (le livre notamment) ?
Je pense qu’une bande dessinée biographique est une bonne passerelle entre la bande dessinée et des livres plus fournis. J’aimerais qu’en refermant ma bande dessinée des gens qui ne l’auraient pas fait aient envie d’acheter un livre sur Egon Schiele. J’aime apprendre des choses en lisant une bande dessinée . Cela permet aussi de visualiser facilement des choses insaisissables, de faire vivre des époques ou des personnages célèbres, et permet d’avoir une vision moins romantique de grandes figures connues.
En plus de la bande dessinée, vous faites également de la peinture, notamment de superbes portraits. Que vous apporte chacun de ces deux univers ?
Merci ! J’ai besoin d’évoluer dans ces deux univers pour varier les plaisirs, c’est pourquoi j’ai souhaité concilier les deux dans ma première bande dessinée. En bande dessinée je me focalise sur l’histoire, ce que j’ai à raconter, j’essaie un peu d’oublier le « beau » dessin pour l'efficacité de la narration. Ce qui peut être frustrant, c'est pour cela que j'aime travailler des peintures, des portraits, pour le plaisir.
Découvrez dans la sélection de mai une critique de l'album.
Propos recueillis par Ma. Isabel en Juin 2012
Merci à Xavier !