Interview - Edmond Baudoin

 

 

Interview d'Edmond Baudoin

Co-auteur de Viva la vida - Los sueños de Cd. Juarez


 

 

© Edmond Baudoin / Jean-Marc Troub's / L'Association

Titre : Viva la vida Los sueños de Ciudad Juarez

Scénariste : Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's

Dessinateur : Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's

Editeur : L'Association

Date d'édition : 24 aout 2011

 

PITCH DE L'EDITEUR

Ciudad Juarez, située au nord de l’Etat de Chihuahua au Mexique, connaît depuis deux décennies une criminalité qui l’a rendue tristement célèbre. Une longue série de meurtres et de disparitions de femmes a coloré la ville de manière à la faire classer comme une des plus dangereuses au monde. La façon la plus honnête d’aborder Juarez, pour Baudoin et Troubs, tous deux très familiers du carnet de voyage, était de partir d’une base simple: «  Faire le portrait de ceux qui voudront bien, et leur demander : “Quel est votre rêve ?”. Dire la vie dans cette ville où on meurt. » Le récit de ce périple à travers la violence évoque le pire comme le meilleur des relations humaines, à travers une collaboration inédite où les styles de Baudoin et de Troubs se complètent impeccablement.

 


Un peu naïvement, lorsque mes yeux ont parcouru les premières pages de Viva la Vida, mon premier réflexe a été de remplir de couleurs imaginaires et chatoyantes toutes ces rues, ces cantinas, ces visages, cette rose, ce ciel… Pourquoi le noir et blanc pour ce récit qui, en quelque sorte, extrait la beauté des maux de Ciudad Juarez ? 

 

Je faisais les portraits en noir et blanc, il aurait été difficile d’emmener dans la rue des couleurs, nous ne savions jamais si  à moment donné il n’allait pas falloir partir et même très vite. Je photographiais le portrait avant de le donner pour pouvoir le recopier  le soir. Il était important que je le recopie très vite, j’avais encore en mémoire ce que cette personne m’avait donné avec son regard, que ce ne soit pas un «recopiage appliqué », qu’il y ait la vie que j’avais vue devant moi quelques heures avant . Cet ensemble imposait le noir et blanc.

 

 

Comment ont réagi les personnes rencontrées à Ciudad Juarez lorsque vous leur demandiez de vous raconter leurs rêves ?

 

Les personnes rencontrées étaient très touchés, il n’y a pas de touristes à Ciudad Juarez, les habitants de cette ville pensaient tous que nous étions des journalistes. Et les journalistes étrangers ne sont pas très bien vus, ils viennent souvent là pour le sensationnel, le sang. Quand ils apprenaient ce que nous voulions, nous en avons vu certains pleurer.

 

 

Quelle est la place du rêve dans leur vie ?

 

Vous avez remarqué que la plupart de leurs rêves ressemblent beaucoup aux rêves de « tout le monde » sauf plus souvent la paix. C’est ainsi, les êtres humains ont des rêves simples : Pouvoir travailler, espérer que leurs enfants soient mieux qu’eux, qu’ils travaillent bien à l’école… Les rêves de l’humanité.

 

 

Et dans la vôtre ?

 

Je ne vis que dans le rêve, mais je travaille constamment à essayer de mettre mes rêves dans la réalité.

 

 

Vous abordez à travers vos portraits l’ombre du pessimisme et du sentiment de fatalité qui s’étend sur la ville. La population a perdu confiance envers l’action politique, les institutions apparaissent vides de sens et la lutte contre les narcotrafiquants n’a jamais été aussi vaine. Que reste-t-il à Ciudad Juarez pour tisser quelques lambeaux d’espoir : la fête ? la solidarité ? la religion ? l’art ? l’humour ?

 

Solidarité et amour. La religion est partout, je ne sais pas si elle les aide, de plus en plus ils vont vers la « vierge de la mort », ce n’est pas terrible, l’art c’est pour plus tard quand ils seront mieux disent-ils.

 

 

Quel est le rêve qui vous a le plus marqué lors de vos rencontres ? Celui que vous auriez aimé accompagner ou soutenir ? Un visage ou un regard qui vous poursuit encore aujourd’hui ?

 

Cette enfant indienne de onze ans qui m’a dit : devenir vieille. Je ne sais pas si elle voulait être vieille aujourd’hui, ou vivre tout le temps de sa vie pour devenir vieille.

 

 

Quelle était la motivation de ce projet ?

 

Le livre de Roberto Bolano : 2666. J’ai voulu allé à Ciudad Juarez pour parler des femmes, du travail des femmes, des assassinats de femmes, du machisme. Mais entre la mise en place de mon projet et la possibilité du voyage il s’est passé deux ans, et dans ces deux ans Le président Calderon a déclaré la guerre aux narcotrafiquants, il meurt toujours autant de femmes, mais dans une guerre on ne compte plus.

 

 

Que vous ont apportés ces échanges ?

 

De la vie, de la force pour continuer à vivre, de la joie devant la dignité de toutes ces personnes, la joie c’est de la vie.

 

 

Et vous, que pensez-vous avoir transmis aux personnes croisées ?

 

Même chose : de la vie. Je suis retourné à Ciudad Juarez, le livre a été traduit en espagnol mexicain, je suis allé le signer là-bas. Les gens que j’avais vus et que j’ai revus me l’ont dit. 

 

 

J'imagine que vous avez traversé des moments difficiles pendant ce voyage. Quels ont été vos moments de faiblesse lors de vos rencontres ?

 

Cette dame belle dans un jardin public, elle allait passer le lendemain aux Etats-Unis pour sauver ses enfants de la faim. Elle avait jeté tous ses papiers, elle allait traverser la frontière, seule, les mains vides.

 

"C'est une des filles d'Alberto. Elle a seiz ans. C'est une épreuve de dessiner un enfant. Il n'y a aucune retenue chez eux. Ils ont dans le regard encore du questionnement des nouveaux-nés. Ils cherchent quelque chose dans mes yeux d'homme vieux. Et je ne suis pas sûr, jamais, d'être à la hauteur de ce quelque chose. Alors, mon pinceau pèse des tonnes."

 

Réaliser une BD à quatre mains ne doit pas être évident et demande autant de travail, je suppose, que d’accorder deux musiciens. Comment s’est déroulée la collaboration avec Jean-Marc Troub’s ?

 

Je n’avais jamais vécu deux mois avec un homme, lui non plus. On nous prenait pour des homosexuels, c’était rigolo, on travaillait beaucoup, beaucoup, on n’a même pas eu le temps de regarder les filles, ce qui est pour nous exceptionnel.

 

 

Du point de vue du lecteur, Jean-Marc Troub’s semble être plus attaché à l’ambiance, aux évènements et vous aux visages, aux regards des personnes rencontrées. Etait-ce un choix artistique conscient ou le résultat de deux personnalités différentes qui voyageaient et s’exprimaient ?

 

Oui, c’est un choix il y a longtemps que je fais des portrait, j’ai même des fois gagné une chambre d’hôtel avec des portraits. Jean Marc est moins à l’aise avec ça. Lui dessinait  l’ambiance, oui, c’était notre manière de travailler

 

 

Quels souvenirs gardez-vous de ce voyage ?

 

Un livre. Et comme vous, des couleurs, de la musiques, des larmes, des rires.

 

 

Pourquoi une chèvre ? Pourquoi une tortue ?

 

HI HI Jean Marc vit isolé à la campagne entouré de chats, de poissons et de tortues.

Moi j’aime les animaux rustiques, chèvres, ânes, corbeaux.

                                  

 

Vos projets ? De nouvelles frontières, de nouveaux murs ? 

 

La Palestine ? On me l’a proposé. Peut-être j’irai. Mais pour l’instant j’ai du travail jusqu’en 2013 dont un livre sur Dali pour le Centre Pompidou.

 

 

Propos receuillis en Décembre 2011

 

Merci à Edmond !

 


11/12/2011
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Viva la vida !

 


Viva la vida - Los sueños de Cd. Juarez

Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's


 

 

© Edmond Baudoin / Jean-Marc Troub's / L'Association

Titre : Viva la vida Los sueños de Ciudad Juarez

Scénariste : Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's

Dessinateur : Edmond Baudoin & Jean-Marc Troub's

Editeur : L'Association

Date d'édition : 24 aout 2011

 

PITCH DE L'EDITEUR

Ciudad Juarez, située au nord de l’Etat de Chihuahua au Mexique, connaît depuis deux décennies une criminalité qui l’a rendue tristement célèbre. Une longue série de meurtres et de disparitions de femmes a coloré la ville de manière à la faire classer comme une des plus dangereuses au monde. La façon la plus honnête d’aborder Juarez, pour Baudoin et Troubs, tous deux très familiers du carnet de voyage, était de partir d’une base simple: «  Faire le portrait de ceux qui voudront bien, et leur demander : “Quel est votre rêve ?”. Dire la vie dans cette ville où on meurt. » Le récit de ce périple à travers la violence évoque le pire comme le meilleur des relations humaines, à travers une collaboration inédite où les styles de Baudoin et de Troubs se complètent impeccablement.

 

Et je commence mon petit tour du monde en BD par…. le Mexique et le très bel ouvrage Viva la Vida, Los sueños de Ciudad Juarez édité par L’Association et réalisé par Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s, deux dessinateurs curieux et voyageurs.

Alors je sais … pour sortir de la morosité ambiante de ce début du mois de décembre, vous me rétorquerez ingratement qu’une BD noir et blanc qui, de surcroît, a pour sujet cette ville à la gloire déchue, plus célèbre pour ses cartels de drogue et sa triste frontière que pour son exotisme…. j’aurais pu trouver mieux.

 Et je vous répondrai, naturellement, que vous vous fourvoyez allègrement…. Cette BD est sans doute l’un de mes plus beaux coups de cœur de ces dernières semaines.  

 

Bien plus qu’un carnet de voyage en bulles, cette BD s’est tressée autour d’une idée originale et humaniste : raconter Cd. Juarez à travers les rêves de ses habitants. Les deux auteurs réalisent un quatre mains sublime : pendant des semaines,  E. Baudoin et JM Troub’s ont arpenté la ville et sont partis, tous les jours, à la chasse aux rêves demandant aux personnes croisées de leur raconter leurs rêves contre un portrait. Et, chaque matin, tous deux racontaient et dessinaient sur le vif et sur papier les croquis, émotions et témoignages de la veille, encore tremblants de leurs expériences.


Viva la vida Los sueños de Ciudad Juarez

Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub's

L'association - 2011

Au fil des pages, Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s nous font traverser tous les coins de la ville, nous entraînant, à travers les rues de Cd. Juarez, dans les bars, les cantinas, l’université, les collèges, et maquiladoras, nous faisant traverser la frontière pour une courte escapade à El Paso. On croise les visages, les regards et les rêves souvent simples mais toujours émouvants de Dora, Estrella, Marco, Florencia, Rosita, Maritza et tant d’autres.

Ils tissent une étoffe de rêves et de sourires sur fond de désolation, de quotidien fait de violence et de peur permanente.  Des fleurs du mal à la sauce mexicaine en quelque sorte.

Et « Viva la Vida » sonne alors comme une évidence incontournable malgré un quotidien terrible que les deux auteurs dessinent simplement au détour d’une rue ou d’un rêve sans sensationnalisme et sans leçon de morale.

 

A la première lecture…

J’ai dévoré cet étrange carnet de voyages, enivrée par l’alternance de portraits, de rêves, de scènes de rues et de bars sans distinguer le crayon de Jean-Marc Troub’s de celui d’Edmond Baudoin. Prenant en pleine face cette avalanche de rencontres et d’expériences :  

... Page 2 : je m’interroge sur la définition de la frontière...

... Pages 25 et suivantes : je souris en devinant les rues et les marchés de Mexico DF, Leon et Chihuahua...

... Page 33: mon ventre gargouille devant une cantina et des tacos...

...Page 38 : mon sourire et ma légèreté sont engloutis par l’arrivée des auteurs à Cd. Juarez et son lot de désolation. Et mon cœur se serre...

... Page 53 : les scènes de musique et de danse achèvent de me transporter dans cet ailleurs festif malgré tout...

... Quelques pages plus loin : j’arrive avec peine à contenir une larme brûlante qu’une modeste case chargée de non dit et d'émotions a provoquée (et pourtant…. je ne pleure jamais au cinéma !)...

... Page 61 : je suis frappée par le contraste entre Ciudad Juarez, ardente de tristesse et de fêtes et El Paso (juste de l’autre côté de la frontière) aux contours géométriques et propres, contraste si bien rendu par les dessins...

... Page 74 : dans une petite voiture, en route vers un site archéologique, calée entre Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s, je suis déconcertée par leurs pensées silencieuses...

... Page 78 : je suis hypnotisée par le regard de Florencia, son rêve me laisse songeuse. Le regard d’Eloïsa me fait chaud au cœur...

... Page 114 : Dans un bar rock de Cd. Juarez, je me demande enfin quel est mon rêve...

... Dernière page : je ne peux quitter des yeux le dernier dessin d’Edmond Baudoin et j’ai enfin trouvé mon rêve...

 

Voilà. Ce fût un beau, très beau voyage.

 


Et j’ai refermé une première fois Viva la Vida. Des rêves et des portraits plein la tête.

Puis je l’ai ouvert une seconde fois. Et c’était encore mieux. L’imagination du lecteur se laisse aller à poser ça et là des touches de couleurs chatoyantes, à imaginer au fil des cases la musiques des fêtes et des rires, les vacarmes aveuglants des maquiladoras et des aboiements de la frontière, les regards lourds de surprise des habitants de la ville. Car c’est bien là toute la beauté de cette BD extrêmement pudique, jusque dans le choix du noir et blanc : vous faire voyager et imaginer tout un monde lointain, aux contrastes violents et poétiques. A la deuxième lecture, on s'attarde à déchiffrer les infimes détails et les expressions des regards. On reconnaît les planches d'Edmond Baudoin ("la chèvre"), s'attardant sur les rencontres, les portraits et les regards et celles de Jean-Marc Troub's ("la tortue"), s'attardant sur les ambiances, les paysages, les situations. Et on perçoit les deux personnalités différentes qui expriment leur émotions et leurs représentations sur deux clés différentes d'une même partition.

 

 


 Viva la vida Los sueños de Ciudad Juarez - Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub's - L'association - 2011

 

Pour aller plus loin, vous pouvez visiter les blogs d’Edmond Baudoin ici et de Jean-Marc Troub’s et découvrir les réponses d’Edmond Baudoin à quelques questions que je lui ai posées, ici.


11/12/2011
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Et si Dieu était un homme comme les autres ?

 

 

Et si Dieu était un homme comme les autres ?


 

Dieu en personne de Marc-Antoine Mathieu 

 

© Marc-Antoine Mathieu / Delcourt

Titre : Dieu en personne

Scénariste : Marc-Antoine Mathieu

Dessinateur : Marc-Antoine Mathieu

Editeur : Delcourt

Date d'édition : 9 septembre 2009

 

PITCH DE L'EDITEUR

Dans une file d'attente, un petit bonhomme attend patiemment son tour. Au moment de décliner son identité, il se présente sous le nom de "Dieu". Il n'a pas de domicile, pas de papiers, ni de numéro de sécurité sociale. L'irruption de cette énigme métaphysique "en personne" déclenche un phénomène médiatique majeur... Un procès géant est bientôt organisé contre ce "Coupable Universel".

 

Lors d’un recensement de population, un petit vieillard barbu dépourvu de traçabilité et de papier d’identité prétend être Dieu. Dieu en personne au milieu de la foule. 

L’apparition de ce bonhomme à l’improbable tignasse et aux airs de clodo, dont le vrai visage ne sera jamais dévoilé, tourne très vite au cauchemar médiatique : Dieu  est impitoyablement soumis à la froide analyse des scientifiques, des historiens, des psys … tous s’acharnent à démontrer sa responsabilité. Car il n’est nullement question de mettre en doute son identité mais bien de lui faire porter le chapeau  de tous les maux terrestres. Au diable le libre-arbitre de l'homme…! Un gigantesque procès médiatisé à outrance est alors organisé contre ce « Coupable universel » tombé du ciel. 

Dieu ne pourrait alors sauver sa peau qu’en niant son identité… 

A travers cette confrontation grotesque et sinistre entre un Dieu un peu mou qui « ne croit pas trop aux hommes » et un homme « qui croit en Dieu pour de mauvaises raisons », Marc-Antoine Mathieu dessine en creux un portrait acerbe de la société où le sacré est remplacé par un culte du spectacle et de la communication, de l’information et de l’analyse. 


 

Dieu devient, à l’occasion de son passage sur terre, un produit comme un autre, générant d’innombrables produits dérivés... et la construction d’un parc d’attractions (« Godland ») parfaitement ubuesque : des restaurants où l’on sert de la nourriture spirituelle (« notre marge est imbattable ») aux attractions cocasses (l’enfer, « un vieux concept désuet mais qui revient à la mode »).

Malgré des situations un poil caricaturales, cette BD propose une réflexion philosophique extrêmement dense sur la place du sacré, du spirituel et de la religion dans la société occidentale contemporaine.

Un graphisme noir et blanc, sombre mais brillant et efficace (notamment pour représenter les  foules hébétées) en parfaite harmonie avec les réflexions de l’auteur.

A lire et re-lire.

 

 

La nostalgie de Dieu et Le Complexe de Dieu de Marc Dubuisson

 

© Marc Dubuisson / Diantre Editions

Titre : La nostalgie de Dieu

Scénariste : Marc Dubuisson

Dessinateur : Marc Dubuisson

Editeur : Diantre Editions

Date d'édition : Janvier 2009

 

PITCH DE L'EDITEUR

Il est évident que tout ceci n’est que pure fiction sans quoi Dieu existerait. Qu’on se le dise, Dieu est humour ! Ces dialogues entre un suicidaire et le tout puissant himself en sont la preuve. Face à un Dieu sarcastique, j’m’enfoutiste, et impitoyablement lucide, notre héros est confronté à ses angoisses existentielles, à ses doutes et à de nombreux tabous Détournement de dogmes, satire du clergé, critique acerbe de l’extrémisme… l’auteur, responsable du blog « Un pied, le dessinateur qui ne sait pas dessiner », crucifie la religion et ses dérives dans cette série prévue en plusieurs tomes. Au nom du libre arbitre, du rire et de l’impertinence, que l’impiété soit éditée ! Amen !

 

 

 

  La Nostalgie de Dieu - Marc Dubuisson - Diantre ! Edtions 2010

Petite perle découverte un peu par hasard.

 

Dans un style graphique bien différent (des petits personnages « bâtons » mais sacrément attachants), Marc Dubuisson nous livre une BD à l’humour féroce et grinçant et un Dieu contemporain et schizophrène.

 

C’est l’histoire d’un gars… suicidaire, sur le point de se lancer dans le vide, qui tombe nez à nez avec un Dieu dénué de compassion, indifférent au sort de l’homme, un poil lubrique et parfaitement impuissant. En un mot « irrécupérable » et franchement peu conforme aux Saintes Ecritures.

Derrière sa carapace de diablotin tantôt sarcastique tantôt misanthrope, mais toujours insolent,  Dieu laisse apparaître une faille grandissante dès le Tome 1.

Et sa carapace vole en éclat dans le Tome 2, où l’on retrouve notre petit bonhomme de Dieu chez le psy, déchiré par des questions existentielles… et humain trop humain : on y découvre ses faiblesses, l’inavouable poids de ses erreurs passées qu’il n’a pas assumées, le complexe étouffant d’un père se remettant en question devant sa création qui s’acharne à mal tourner.

Le dessin minimaliste mais redoutablement percutant, le style bien rythmé et l’humour cinglant permettent à Marc Dubuisson de nous rappeler simplement  et en bulles la nécessité de distinguer la religion, en tant qu’institution, de la foi.

 

Une BD faussement légère à découvrir donc pour rigoler un bon coup et réfléchir beaucoup.

 

N’hésitez pas à prolonger le plaisir du côté de place Monge, à la Comédie Contrescarpe où une adaptation de La Nostalgie de Dieu est actuellement jouée.

Un grand merci à Marc Dubuisson pour m’avoir accordée une interview que vous pouvez découvrir ici.

 

 

Dieu n’a pas réponse à tout par Tonino Benacquista et Nicolas Barral

 

© Tonino Benacquista / Nicolas Barral / Dargaud

Titre : Dieu n'a pas réponse à tout

Scénariste : Tonino Benacquista

Dessinateur : Nicolas Barral

Editeur : Dargaud

Date d'édition : 12 janvier 2007

 

PITCH DE L'EDITEUR

Dieu fait ce qu'il peut pour aider les hommes en difficulté ou ceux qui défendent une juste cause. Mais Dieu, parfois, est en proie au doute, et ne sait comment résoudre leurs problèmes. Il peut alors faire appel, au paradis ou au purgatoire, à celui qui saura lui donner un coup de main. Et c'est ainsi que Sigmund Freud, Mozart, Marilyn Monroe et bien d'autres vont être envoyés par le Seigneur en mission spéciale sur Terre.
Six histoires courtes, drôles et délicieuses, dues aux talents conjugués de Tonino Benacquista, l'auteur des best-sellers Saga et Malavita, et de Nicolas Barral, qui avait déjà dessiné l'irrésistible Philip et Francis.

C'est ainsi que Freud doit revenir sur terre pour sauver un ingénieur atomique d'un suicide spectaculaire. Marilyn Monroe va user de ses charmes pour faire progresser le commerce équitable. Homère transformera un brave travailleur en héros de la démocratie, Al Capone va aider la police à retrouver sa fierté, Mozart viendra au secours d'un enfant qui n'est pas un surdoué, et Louis XIV redonnera de la fierté à ceux qui l'ont perdue.

 

 

Dieu n’a pas réponse à tout… mais il veille sur le bonheur de chacune des ses brebis égarées.

 

A 10,000 bulles de l’humour noir de Marc Dubuisson et des planches philosophiques de Marc-Antoine Mathieu, Tonino Benacquista et Nicolas Barral nous livrent un bouquet pétillant et léger de petites nouvelles mettant en scène un Dieu bienveillant et paternel, soucieux du bonheur de chacun mais incapable de venir en aide à tous.

 

Ce Dieu que Nicolas Barral a choisi de représenter sous les traits d’un vieillard sympathoche mais au pouvoir fantoche n’a certes pas réponse à tout mais pratique savamment l’art de la délégation … 

 

Vautré dans son bureau céleste de maître du monde, il parcourt les fichiers de son ordinateur pour trouver la perle rare qu’il enverra en mission sur terre pour sauver les âmes en peine. 

 

Résultat :

Marylin Monroe met sa féminité absolue au service d’un jeune branquignol maladroit et moqué ;

Homère quitte ses cothurnes pour venir en aide à un petit bonhomme téméraire prêt à défier un tyran pour instaurer une démocratie ;

Michel-Ange quitte sa voûte céleste, direction la terre, pour prêter main forte à un jeune artiste méconnu mais prometteur ;

Cyrano, son nez et sa lame viennent au secours de talentueuses escrimeuses abandonnées de tous ; etc, etc…

 

Tissées d’improbables situations (un Louis XIV troquant perruque contre costard pour aider des SDF…), mais sans surprise, simples mais drôles, ces BD offrent un agréable moment de détente.

 

L’occasion d’admirer un Tonino Benacquista aussi agréable et facile à lire en polars qu’en bande dessinée !


28/11/2011
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Interview Marc Dubuisson

 

Interview de Marc Dubuisson

Auteur de La Nostalgie de Dieu et Le Complexe de Dieu


 

 

La Nostalgie de Dieu

 

© Marc Dubuisson / Diantre

Titre : La Nostalgie de Dieu

Scénariste : Marc Dubuisson

Dessinateur : Marc Dubuisson

Editeur : Diantre

Date d'édition : Janvier 2009

 

PITCH DE L'EDITEUR

Il est évident que tout ceci n’est que pure fiction sans quoi Dieu existerait. Qu’on se le dise, Dieu est humour ! Ces dialogues entre un suicidaire et le tout puissant himself en sont la preuve. Face à un Dieu sarcastique, j’m’enfoutiste, et impitoyablement lucide, notre héros est confronté à ses angoisses existentielles, à ses doutes et à de nombreux tabous Détournement de dogmes, satire du clergé, critique acerbe de l’extrémisme… l’auteur, responsable du blog « Un pied, le dessinateur qui ne sait pas dessiner », crucifie la religion et ses dérives dans cette série prévue en plusieurs tomes. Au nom du libre arbitre, du rire et de l’impertinence, que l’impiété soit éditée ! Amen ! 

 

 

D'où vient l'idée de faire une BD sur Dieu ? 

 

Les raisons sont multiples. Les débats sur la/les religion/s auxquels je pouvais assister à la télévision ou dans la presse ne me satisfaisaient pas, je n’y trouvais pas ma vision de la problématique. En guise d’exutoire, j’ai eu envie d’écrire au départ une espèce d’interview de Dieu. Comme je ne pensais pas encore au format BD, je voyais ça en livre mais n’arrivant pas à trouver la meilleure façon de traiter l’histoire, j’ai laissé l’idée dans un coin de ma tête. Quelques mois plus tard éclatait l’affaire des caricatures de Mahomet et la fameuse Une de Charlie Hebdo. Le besoin d’écrire sur ce sujet devint alors de plus en plus pressant. Entre-temps, je me suis mis au blog BD. C’étaient les tout débuts. Jusqu’au jour où un matin, les premiers dialogues me sont venus en tête et le reste a suivi vite et naturellement. Dans ce projet, j’avais surtout envie de montrer qu’il fallait faire une vraie distinction entre la religion en tant qu’institution et la foi.


 La Nostalgie de Dieu - Diantre Editions ! 2010

 

 

Le Dieu que vous représentez est cynique, indifférent au sort de l’homme, misogyne, amoral, presque diabolique en somme.  Pourquoi avez-vous  voulu présenter ce Dieu là ?


Je suis athée de conviction mais agnostique par honnêteté intellectuelle. Notre société étant profondément marquée par la culture chrétienne, j’ai forcément été amené à m’imaginer comment pourrait être Dieu. Allez savoir pourquoi, ma vision de Dieu, s’il existe, est celle-là. Mon sentiment est que s’il existe un Dieu, pour que l’Humanité soit comme elle est (et j’avoue avoir une vision assez pessimiste de la nature humaine), cela ne peut être que la conséquence d’un Dieu qui aurait renoncé, qui n’assumerait pas ses délires mégalo de jeunesse et qui n’ose plus essayer de reprendre la main tant il a peur de faire pire. Le côté misanthrope du Dieu que j’ai imaginé est simplement un système de défense face à des erreurs qu’il n’assume pas. S’il est assez bourru en apparence, il n’est pas aussi je-m’en-foutiste qu’il aimerait le faire croire. Et puis, tous ces sentiments le rendent finalement très humain, ce qui me parait logique puisqu’il aurait créé l’Homme à son image…

 

 

Vous abordez à plusieurs reprises les dérives de la religion et la tendance de l’homme à fuir son libre arbitre sous prétexte de religion autoritaire ou d’inconscient coupable : avez-vous souhaité faire une critique de la société à travers vos personnages ?


Une critique du dogmatisme et de l’aliénation que peuvent engendrer les religions et une analyse de la société sous le couvert de l’humour. Même si les avis de Dieu sont assez tranchés, le contrepoids existe malgré tout tour à tour par le suicidaire puis par le psy, qui, sans trop en avoir l’air, relativisent le tout. Ce qui me gène dans les religions, c’est que c’est souvent blanc ou noir. Les deux livres sont noir et blanc sur la forme mais gris sur le fond.

 

 

Dans les deux ouvrages, vous inversez les relations traditionnelles entre Dieu et sa créature : c’est l’homme qui abandonne Dieu et Dieu qui ne croit plus en l’homme, c’est Dieu qui a besoin de l’homme, et l’homme, sous les traits d’un psychologue, qui se fait juge de Dieu : avez-vous eu le sentiment de risquer de choquer ?

 

 Le complexe de Dieu - Marc Dubuisson - Diantre ! Editions 2010

 Je n’ai eu ni la peur, ni la volonté de choquer, au contraire. Face au retour des fondamentalismes religieux, j’avais avant tout envie de relativiser tout ça et d’amener du recul avec une vision un peu décalée. Comme je l’ai dit plus haut, si mes livres critiquent la religion, ils respectent en revanche la foi. Ce que j’ai voulu montrer dans ce livre, c’est que Dieu ou pas Dieu, iln’y a aucune raison qui justifie de restreindre le libre-arbitre de qui que ce soit ou de l’empêcher d’avancer dans son épanouissement personnel. La foi permet à énormément de gens d’avancer en leur donnant du courage, de l’espoir, un but. Mais tout le côté « folklorique » des religions m’exaspère. Je ne crois ni en Dieu ni en Allah mais cela ne m’empêche pas d’essayer de respecter les autres, de ne pas faire de mal et de filer un ticket resto quand je croise un sdf. 

Ce qui serait choquant, je trouve, c’est que s’il s’avérait qu’un Dieu existe, celui-ci refoule un mec à l’entrée du paradis parce qu’il ne lui a pas voué un culte alors qu’il aurait mené une existence de respect et d’honnêteté et à côté de ça, d’accueillir un bigot qui a fait les pires saloperies en son nom. En gros, le message c’est que quelles que soient nos convictions, il faut vivre ensemble sans se foutre sur la gueule.


Vous avez choisi de ne jamais dessiner les traits de Dieu : est-ce par soumission à la tradition religieuse ou pour laisser au lecteur la possibilité de croire que ces dialogues avec Dieu ne furent que le fruit de la solitude et de la folie de vos personnages ?


Le principe est justement que chacun comprenne l’absence de l’incarnation de Dieu comme il le souhaite. J’aime bien l’idée que chacun s’imagine son propre Dieu. Cela rend l’expérience bien plus personnelle et intéressante. Et puis, finalement, qui suis-je pour dire à quoi il pourrait ressembler ?

 

 

Le Dieu du tome 1, puissant, cynique et arrogant s’adresse à l’homme depuis les cieux. Dans le tome 2, déchu et fragile, il atterrit, tel un homme malade, dans le fauteuil d’un cabinet de psy. Quid du tome 3 : va-t-il descendre encore plus bas, en enfer ?


Au départ, je n’ai pas prévu de tome 3. J’ai déjà écrit quelques tentatives mais je n’en suis pas satisfait. Qui sait ?

 

 

Avez-vous évolué dans votre perception de Dieu ou de la religion en écrivant La Nostalgie de Dieu et Le Complexe de Dieu ?


Comme tout un chacun mettant ses pensées par écrit, j’ai structuré mon raisonnement, je l’ai affiné. De plus, cela m’a permis d’en discuter avec des lecteurs, lors de dédicaces par exemple. J’ai aussi pu rencontrer des lycéens, certains venant de lycées privés ultra-catholiques. Ca m’a permis de confronter mon point de vue à ceux d’autres personnes. C’est toujours enrichissant. Néanmoins, si ma vision s’est affinée, elle n’a pas subi de changement majeur.

 

 

Qu’avez-vous pensé de l’adaptation théâtrale de La Nostalgie de Dieu mise en scène à la Comédie Contrescarpe ?


Je l’adore même si forcément elle ne reflète qu’un aspect du livre, la vision de la metteure en scène. Celle-ci a d’ailleurs choisi de faire incarner Dieu par un comédien, ce qui change pas mal de chose sur les différentes possibilités de compréhension mais qui finalement ne change pas grand-chose au débat. J’ai assisté à deux représentations et j’ai beaucoup ri, ce qui est toujours un peu gênant quand il s’agit de ses propres vannes…

 

 

Vous avez commencé par le blog puis avez évolué vers le livre : j’imagine que le travail, le plaisir, la relation avec les lecteurs sont très différents. Que préférez-vous ? Allez-vous continuer à travailler sur les blogs ? Est-ce nécessaire aujourd’hui ?


On est clairement plus libre pour un blog, c’est logique. Le problème des livres, c’est que vous avez tendance à arrondir les angles pour plaire un maximum aux potentiels éditeurs. De plus, la recherche d’un éditeur est pénible car elle vous amène à vous remettre sans cesse en question. En revanche, même si le blog est agréable dans ses facilités de publication et son retour immédiat, cela reste un moyen énergivore, chronophage sans contrepartie financière. Même si on crée pour le plaisir et l’envie de partager, on n’en reste pas moins dans un monde où on a besoin d’argent, ce qui limite – pour la plupart des auteurs – la création. Le blog reste avant tout un bon moyen pour se faire connaitre mais n’est pas viable sur le long terme pour de gros projets. Il suffit de voir le nombre considérable de blogs qui existent et les 5 noms qui tournent en boucle quand on parle des blogs BD.

 

 

Vos projets, vos envies ?

 

Des projets et des envies, j’en ai 5 par jour mais il faut que je restreigne un peu tout ça pour me concentrer sur 2 ou 3 projets maximum. Et puis, tout ça reste tributaire des éditeurs.

 

 

La BD dont vous auriez aimé être l’auteur ?

 

Calvin & Hobbes. Graphiquement génial tout en restant simple, humour fin et universel et surtout, cette BD a permis à son auteur de vivre de sa passion tout en restant fidèle à ses principes. Il y a d’autres BD dont j’admire le trait ou l’histoire mais l’œuvre de Watterson représente pour moi la carrière idéale.

 

Propos recueillis en Novembre 2011


Le blog de l'auteur

 

Adaptation de La Nostalgie de Dieu à La Comédie Contrescarpe


26/11/2011
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Carte Ile-de-France

L'agenda BD en Ile-de-France


 

Exposition M'enfin ?! Franquin à Paris

Jusqu'au dimanche 17 février

L’exposition présente des dessins incontournables produits pour les séries Spirou et Fantasio, Gaston, Modeste et Pompon, Le Trombone illustré et les Idées noires. 

Rendez-vous au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris

127-129, rue Saint Martin 75004 Paris


Dédicace de Sébastien Vassant à la librairie Millepages

Le 16 février à partir de 16h30

L'auteur dédicacera son dernier album, Frères d’ombre, publié chez Futuropolis

174, rue de Fontenay 94300 Vincennes

 

Dédicace de Grégory Maklès à la librairie la Griffe Noire à Saint Maur

Le samedi 16 février à 15h

L'auteur dédicacera son dernier album, La Survie de l’espèce, publié chez Futuropolis

5, rue du pont de Créteil 94100 Saint-Maur

 

Exposition Thierry Murat à la bibliothèque Albert Camus de Chilly-Mazarin

Du 12 au 23 février

Venez découvrir l'auteur des Larmes de l'assassin

BD-concert le 15 février à 20h30

Visite guidée de l'exposition le 16 février en compagnie de l'auteur

6-8 rue Olivier-Beauregard 91380 Chilly-Mazarin

 

Exposition Pat Mallet à la Galerie 9ème Art

Du 15 au 23 février

En hommage à l'auteur Pat Mallet, créateur des Petits Hommes Verts, disparu fin 2012

4 rue Cretet 75009 Paris

 

Toutes les expositions de la Galerie 9ème Art

4 rue Cretet 75009 Paris


Rencontre avec José Muñoz au NYO Paris

Mardi 19 févreier

Rencontre autour de l'album L'Etranger adapté du roman d'A. Camus

56, rue de Passy 75016 Paris

 

Exposition-vente de Manu Civiello

A partir du 21 février à 18h

Exposition des planches originales de l'auteur de La dynastie des Dragons à la galerie Zic & Bul

76 Avenue de la République, 75011 Paris

 

Toutes les expositions de la galerie Zic & Bul

Jérôme Jouvray, Manu Civiello

76 Avenue de la République, 75011 Paris


X. Dorison en dédicace à Issy-les-Moulineaux

Le samedi 23 février à 16h

L'auteur dédicacera le dernier tome d'Asgard

Librairie Chantelivre - 32, avenue de la République 92130 Issy-les-Moulineaux

 

Exposition Rosinski à Versailles

Jusqu'au 24 février

Exposition retraçant l’ensemble de l’œuvre de Grzegorz Rosinski : Thorgal, Le Grand Pouvoir du Chninkel, La Complainte des Landes Perdues, Western, La Vengeance du Comte Skarbek...

Hôtel de Ville, 4 avenue de Paris, Versailles

Dédicace de Jul à la librairie Odessa

22 février 2013 à 19h30

Un rendez-vous à ne pas manquer avec l'auteur de Silex and the City

20 Rue Odessa 75014 Paris

 

Dédicace de Jean-Michel Ponzio à La Rubrique à Bulles 

L'auteur dédicace  la série Protocole Pélican 

16 mars à partir de 15h30

110 boulevard Richard Lenoir 75011 Paris

 



12/02/2013
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