L'invention du vide

 


L'invention du vide de Nicolas Debon


 

 

Nicolas Debon signe en 2012 son deuxième album, L'invention du vide, récit de la conquête du Grépon (Chamonix) par l'alpiniste A. F. Mummery en 1881.


© Nicolas Debon / Dargaud

Titre : L'invention du vide

Auteur : Nicolas Debon

Editeur : Dargaud

Date d'édition : 1er juin 2012


PITCH DE L'EDITEUR

Debon signe une histoire complète qui entre fiction et réalité met en scène les débuts de l'alpinisme. L'Invention du vide, c'est ce défi vain et pourtant magnifique lancé au vide par ces hommes qui ont rêvé de gravir les plus hautes montagnes. Il faut dire que la montagne a ce don de rendre belles les tentatives des hommes à vouloir aller toujours plus haut. Parfois, elle ose se refuser à leur vanité, se faisant douleur et souffrance. Les Alpes ont ainsi été le théâtre régulier des assauts de ces hommes, au point d'être à l'origine du mot « alpinisme » ! Durant les années 1880, ces conquêtes furent l'objet d'une formidable compétition symbolisée par les aiguilles de Chamonix. S'inspirant des écrits d'A.F.Mummery (1855-95), Nicolas Debon raconte avec brio ces exploits inutiles et beaux à la fois. À la manière du Tour des géants, qui mettait en scène les cyclistes au début du siècle dernier, il raconte, de façon documentée et profondément humaine, cette épopée. À la fois grave et savoureux, cet ouvrage – qui reste d'abord une fiction – est aussi un sublime hommage à la montagne. L'Invention du vide est une aventure documentaire, mais aussi une bande dessinée servie par un graphisme original avec des couleurs directes parfaitement appropriées aux décors majestueux.

 

« Le vrai montagnard est un vagabond… Par vagabond, j’entends un homme qui aime à aller où jamais aucun homme ne s’est hasardé avant lui : qui met sa joie à s’agripper à des rochers n’ayant jamais senti le toucher des doigts humains. »

 

28 juillet 1881…

L’alpiniste anglais, A.F. Mummery arrive en calèche à Chamonix…

Deux jours plus tard, non content d’avoir ouvert une voie sur l’Aiguille Verte, ce diable d'anglais, assoiffé de conquêtes alpines, décide de s’attaquer au Grépon.

L’Aiguille du Grépon… plus de 1'300 mètres de dalles perpendiculaires, vertigineusement lisses… à l’architecture époustouflante, qu’aucun homme n’avait alors gravie.

 

 

© René Robert

  

 

5 aout 1881…

Conquête du Grépon par le joyeux trio, Albert Frederick Mummery, Alexander Burgener et Benedikt Venetz.

Car, à l’époque, une ascension était une conquête.

Nicolas Debon a puisé dans les écrits biographiques et les récits d’ascension l’étoffe pour tisser cet insoupçonnable esprit de conquête qui enfiévrait jadis les alpinistes et les poussait à affronter la verticalité, à s’agripper à l’inconnu … pour vaincre le vide, tracer de nouvelles voies, atteindre de nouveaux sommets.

 

« Si nous devions nous contenter de ne suivre que des chemins praticables, la vie deviendrait terriblement monotone. »

 

Au-delà de l’esprit de conquête, c’est toute une page de l’alpinisme que l’auteur met en scène : des techniques d’escalade encore balbutiantes, des passages difficiles vaincus à la courte échelle, des équipements rudimentaires et … un whisky de rigueur.

 

Et l'improbable besace des alpinistes était alors quelque peu exotique :

 

« Corde de manille, corde de secours, piolets, lunettes, cordelette, lorgnette, boussole ; lanterne, bougies, allumettes-tisons, mitaines de peau de lièvre, couteau, coins de bois, broche de fer, guêtres en laine …

… armagnac et glycérine pour nous prémunir du soleil, carbonate de sodium et teinte de rhubarbe anticoliques, laudanium, bismuth, citrate de magnésium…

© Nicolas Debon / Dargaud

Une goulée de whisky dans mes brodequins et des compresses de graisse contre les ampoules…

…savon, rasoir, miroir, linges de flanelle, tabac, lard, fromage, viande fumée, pain, biscuits, marmelade de gingembre, sardines, cacao, cognac, champagne…

… et du vin plein les gourdes : nous voilà prêts à arpenter sainement les hauteurs ! »

… Sans oublier le drapeau glorieusement planté au sommet !

 

Les temps ont changé…

On a troqué calèche contre TGV, flasque de whisky contre triste gourde d’eau, sympathique chapeau contre casque sans saveur, lanterne contre frontale, drapeau contre appareil photo….

Malgré tout, l'immuable beauté du Massif du Mont Blanc et les parois vertigineuses du Grépon demeurent inchangées…

 

© Nicolas Debon / Dargaud

Loin de se contenter d’un récit technique et descriptif de la conquête du Grépon, l’univers graphique et narratif de Nicolas Debon permet au lecteur de contempler les corps et les personnalités des trois alpinistes qui luttent, dansent, se détachent de la terre et s’élèvent sur les parois verticales du Grépon, dans un dédale sublime de roches et de dalles géométriques.

 

Au fil des pages et de l’ascension, le lecteur se surprend à frémir dans les passages acrobatiques, à sursauter à l’ombre d’un faux pas, à sentir le rocher sur les pages qui se tournent et finit envoûté par l’euphorie du vide et la lente ascension des aiguilles effilées.

Grâce à des techniques de dessin parfaitement maîtrisées et un savante composition de gouaches, crayons de couleur et encre de Chine, l’auteur a su traduire la diversité vertigineuse des lumières sur le massif du Mont blanc :

les parois ocre et flamboyantes sous un ciel chamoniard intensément bleu, les ombres bleutées et imposantes dans la nuit étoilée,  l’éclairage vacillant des lanternes…

 

Cerise sur le gâteau… le récit est relevé d’un zeste d’humour so british qui fait de la lecture de cet album un pur moment de plaisir.

 

« Alexander… j’ai un parfait plan d’attaque de deux jours, nous partons à la conquête du Grépon !

- Herr Mummery… vous êtes fou à lier ! Les meilleurs guides ont rêvé l’ascension de cette montagne… Tous se sont heurtés à des murailles infranchissables ! Ich bin in Bergführer… Il m’appartient de ramener mes clients en vie : pas de les tuer !

- All right… J’irai donc me tuer seul.

- Monsieur, je ne tolérerais pas que vous trépassiez sans moi ! »

 

Bravo à Nicolas Debon pour ce très beau voyage dans le temps et le récit palpitant d’une ascension héroïque au cœur du massif du Mont Blanc…

Une interview de l'auteur à découvrir ici.

 

 

 © René Robert

 


 

Les photos intégrées à cet article ont été réalisées par René Robert dans le cadre de la réalisation du très beau film de Rémy Tezier, Au-delà des cimes.

Elles sont ici publiées avec l'aimable accord de René Robert. 

 





12/06/2012
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